La conteuse d'encre

Elle avait pour parents les mots et l’imagination,
Vivait dans l’espoir de faire d’eux sa vie et sa passion.
De sa voix faible elle contait le temps et les légendes,
De ses pas sombres elle traversait les landes.

Les seigneurs qu’elle rencontrait la disaient belle.
Non pas par un corps divin, mais par son art.
En effet, de son sang d’encre elle devenait phare
De ses mots tremblants elle frôlait les immortels.

Cependant, ses yeux portaient la haine de l’orage,
Son corps soulignait la terreur de la famine
Et sa peau, les ténèbres des jours qui déclinent :
Elle était maudite par ses propres pages.

La conteuse d’encre errait sous une cape de brume.
Elle cherchait guérison dans les ombres qui fument.
En vain, certes, car le seul moyen de survie
Serait de quitter ce qui rythme sa vie.

Il y avait bien sa compagne de voyage,
Celle qui du vent était née, et qui avait défié les sages.
Cependant, l’enfant de la tempête s’était blottie
Dans les bras d’un prince, voyant ses espoirs assouvis.

Ce n’était pas une question de jalousie :
La conteuse souffrait de l’indifférence de son amie.
Enveloppée dans sa cape de brume, en un jour d’écueil,
Partit la fille des mots, surnommée Poésie par les feuilles.

Elle était de ceux qui ne supportaient pas la séparation.
S’en aller soi-même ou laisser les autres s’envoler
Lourd dilemme quand nous n’osons pas délaisser
Lorsque nous espérons que cela ne soit qu’un soupir de passion.

Qu’il en soit ainsi, celle que les seigneurs nommaient Poésie
Attendrait qu’un être l’aperçoive telle qu’elle était
Pour un soupir, quel qu’il soit, son amie ou un être infini.
Quelle qu’en soit la fin, avec espoir, elle attendrait…